Nous qualifions de "synthétique" notre modèle d'AU pour les raisons suivantes :
il repose sur une simplification du système socio-fiscal, à l'instar du modèle libéral d'AU fondé sur l'impôt négatif (ou Liber) ;
il correspond au niveau élevé de redistribution, et au rôle attribué aux coopératives publiques dans le modèle communiste et libertaire de l'AU qu'est le salaire à vie ;
enfin il complète les approches libérale et communiste-libertaire, en fondant une partie (minoritaire) du financement de l'AU sur une réforme de symétrisation du système monétaire (financement monétaire/distributif de l'AU) : la création monétaire est désormais interdite aux banques, et réalisée (par l'État) par sa distribution gratuite et égalitaire entre les seules personnes physiques, selon la formule objective du taux de croissance monétaire de la théorie relative de la monnaie (cf. infra section #distributif).
Le point 2 correspond au montant de l'allocation universelle, notée AU. Le point 3 correspond à la partie (minoritaire) financée par la création monétaire, notée AUD car de nature distributive. Enfin le point 1 correspond à la partie de l'AU financée par la fiscalité, notée AUR car de nature redistributive. Ainsi AU = AUD + AUR.
Une réforme monétaire qualitative
L'effet de la réforme monétaire que constitue l'AUD est moins quantitatif que qualitatif : en répartissant la création monétaire de façon égalitaire entre l'ensemble de la population :
Nous prenons ici le cas de la France (données disponibles en 2023).
Dans notre équation de base du financement de l'AU AU = AUD + AUR (cf. section précédente), AUD est déterminée de façon objective par la théorie relative de la monnaie (cf. infra section #distributif), et vaut 200 euros/mois par personne. Ensuite le montant global de l'AU est déterminé soit politiquement, soit de façon objective (cas de notre modèle synthétique, où AU = PIB/hab / 2, soit ici 1.600 euros/mois par adulte, et le tiers par enfant). Par conséquent AUR = AU - AUD.
Cependant, pour aider le lecteur dans la compréhension de notre modélisation de l'AU nous allons dans un premier temps poser deux simplifications :
Analysons ainsi des cellules essentielles du tableau infra (que le lecteur est invité à tester en cliquant sur le lien "Tableur ods") :
Pour ce montant, celui de l'AUR(enfant) – AUR(enf.) = AU(adu.) / 3 - AUD (E12) – est quasiment égal (96%) aux dépenses mensuelles de SS famille par enfant (E13).
Ainsi le taux de redistribution de 72 % (E9) du système socio-fiscal actuel correspond à une AU de 825 euros/mois. On pourrait donc simplifier énormément ce système en instaurant une AU de 825 euros/mois, et cela avec un besoin de financement nul (qui, in fine, sera même négatif grâce aux économies induites, en dépenses de fonctionnement de l'administration, suite à cette réforme simplificatrice).
Avec un montant si faible, les plus pauvres y gagneraient-ils ? À priori, on pourrait penser qu'ils y perdraient. Cependant, il faut bien avoir conscience que l'AU transforme complètement la logique du système de SS, notamment parce que, dorénavant :
Si malgré tout on estime que ce montant de l'AU n'est pas suffisant pour constituer un réel progrès social, et qu'on l'élève jusqu'au niveau du seuil de pauvreté (défini par l'État français à 60 % du revenu disponible médian, soit 1.150 euros/mois en 2023), le tableur indique que le besoin de financement passerait alors de 0 % à 8 % du PIB (E14), c-à-d que le taux fiscal devrait passer de 47 % du PIB (B9) à 47+8,5=55 % du PIB (B16) pour annuler le nouveau besoin de financement. Il en résulterait alors que le taux de redistribution des prélèvements obligatoires passerait de 72 % (E9) à (34+8,5)/55,5=76% (E17).
Comprendre le lien entre fiscalité et production
La valeur absolue du taux de fiscalité n'a pas grande signification en elle-même. Augmenter ce taux n'est pas négatif en soi : tout dépend de ce à quoi va être utilisée cette redistribution de la richesse (le PIB). Si elle part à l'étranger alors, oui, c'est une perte sèche pour le pays. Mais si elle est dirigée vers la consommation intérieure, elle stimule la demande, et donc la production. Pour autant évidemment que la capacité de production puisse répondre à cette hausse, sinon il n'y aura que de l'inflation. C'est pourquoi le fruit d'une hausse du taux de taxation global devrait être également réparti entre consommation (des ménages) et production (investissement, dans des infrastructures ou des entreprises publiques).
Soulignons à cet égard que le caractère disruptif de l'AU réside, via son inconditionnalité, dans le fait qu'elle stimule la création d'entreprises familiales. Or cela améliore la production globale de biens et services, non seulement en termes quantitatifs, mais également qualitatifs via la promotion de la production locale.
Levons maintenant notre hypothèse de financement monétaire nul de l'AU (AUD=0), de sorte que le financement fiscal (correspondant à l'AU redistributive AUR) d'une AU de 1.150 euros/mois peut alors être réduit d'autant puisque, comme expliqué plus haut, AUR = AU - AUD.
Nous verrons plus loin que le montant de l'AUD est déterminé de façon objective (par la théorie relative de la monnaie) à 200 euros/mois par personne (adulte ou enfant), de sorte que :
Le tableur nous montre alors que le besoin de financement redescend de 8 % à 2 % du PIB (B14), abaissant ainsi le nouveau taux fiscal de 55 à 49 % du PIB (B16), à comparer avec la situation actuelle de 47 % (B9). Autrement dit, il suffirait donc de relever le taux fiscal de 49-47=2 % du PIB pour éradiquer la pauvreté (PS : tout en bénéficiant désormais d'un système monétaire nettement plus performant, comme exposé dans la section précédente).
Quelle serait alors l'AU la plus ambitieuse que l'on pourrait imaginer, et quel en serait le taux fiscal correspondant ? Une intuition (ce n'est donc qu'une intuition) est que le montant de cette AU correspond au principe de symétrie : AU = ( PIB/hab ) / 2 soit 1.600 euros/mois en France en 2023 (selon les données disponibles, qui datent de 2021). Le tableur indique alors que le besoin de financement passerait alors à 14 % (E14), ce qui se financerait alors par un taux d'imposition global de 61 % (B16), contre 47 % actuellement (B7). Le taux de redistribution des prélèvement obligatoires serait alors de 78 % (E17), contre 72% actuellement (E9).
Le tableau suivant résume les quatre précédents :
AU = | AUD + | AUR | Tx fisc. % PIB | Tx redis. % prél. oblig. |
---|---|---|---|---|
825 | 0 | 825 | 47 | 72 |
1.150 | 0 | 1.150 | 55 | 76 |
1.150 | 200 | 950 | 49 | 73 |
1.600 | 200 | 1.400 | 61 | 78 |
Ces dernières valeurs du besoin de financement et du taux fiscal sont même des surestimations, car des économies induites par l'AU vont les réduire :
Le problème du financement de l'AU n'est donc pas économique mais politique. La problématique économique réside en réalité dans l'effet de l'AU sur l'offre de travail, et partant, sur le PIB.
La section précédente repose sur une hypothèse forte : l'offre de travail, et partant le PIB (cellule B1 du tableur de la section précédente), seraient inchangé par l'AU. Or il existe probablement un niveau de l'AU au-delà duquel son effet positif sur le PIB (cf. l'aide que représente l'AU pour la création d'entreprises familiales) serait compensé par un baisse de l'offre de travail, de sorte que l'AU ne commencera alors à avoir comme seul effet qu'une inflation qui annulera son effet sur le niveau de vie. La population se couperait ainsi l'herbe sous les pieds, en ne produisant plus ce qui nourrit le financement redistributif de l'AU.
Notons à cet égard, que même avec une AU de 1.600 euros/mois – qui ne permet que de vivre chichement sans travail rémunéré (sauf pour ceux qui ont hérité d'un logement neuf) – nombreux seront, par conséquent, celles et ceux qui souhaiteront un travail rémunéré, afin d'augmenter leur niveau de vie. D'autre part, des enquêtes montrent que l'argent ne constitue pas la seule voire pas même la principale raison de la participation des individus à la production de biens & services : le besoin psychique, moins matérialiste que l'enrichissement financier, de développer et mettre en valeur ses compétences, ou encore d'entretenir des relations sociales est souvent mentionné.
Et s'il s'avérait qu'une AU d'un tel montant provoque une forte contraction de l'offre de travail, une solution consiste en une extension radicale du rôle de l'État dans l'économie, fondée sur les deux points suivants :
le taux de population active (A) nécessaire pour éviter une chute du PIB (donc du niveau de vie) suite à l'introduction de l'AU ne concerne pas les mêmes personnes chaque année : en moyenne 1-A % de la population pourra passer une année sabbatique tous les A/(1-A) années (soit tous les trois ans si A=75%) !
Douze mois de vacances sur quatre ans, cela fait 12/4=3 mois de vacances par an, pour tous le monde, et cela en éradiquant la pauvreté !
L'État pourrait intégrer la planification de la répartition des périodes de service civil et des périodes sabbatiques.
On constate ici à nouveau l'utilité d'une plus grande participation de l'État à la production des biens & services essentiels, via des entreprises 100% publiques.
S'il nous est si difficile de "digérer" les faits évoqués dans cette section, c'est parce que cette AU représente un changement de paradigme sociétal très disruptif, que par conséquent notre cerveau ne peut appréhender qu'avec une certaine lenteur. Et cela d'autant plus qu'il est difficile d'évaluer correctement la faisabilité de l'AU autrement qu'en ... l'appliquant (ce qui implique que son instauration serait probablement progressive : cf. /implementation). D'autre part, l'effet de notre AU sur le "mix productif" composant le PIB sera probablement substantiel : on ne produira et consommera pas les mêmes produits & services qu'aujourd'hui, aussi bien en termes quantitatifs que qualitatifs (cf. /financement-distributif#champs-de-valeur). Enfin, last but not least, l'effet démultiplicateur de l'IA sur la productivité pourrait rendre tout à fait réaliste un tel montant d'AU, et bien plus vite que l'on pourrait s'y attendre...
Dans les sections et chapitres suivants, nous allons exposer nos travaux sur la modélisation des (complémentaires) financements monétaire (dit "distributif") et fiscal (dit "redistributif") de l'AU.
Du point de vue de la chronologie économique (illustrée par le schéma infra) :
Seul le travail est facteur/agent de production. Le capital n'est que moyen/objet de production. C'est donc la personne physique et non la personne morale qui est le référentiel.
Par "processus productif" nous entendons ici la nature cyclique du processus de développement économique, qui se réalise par boucles rétroactives et à volume croissant.
Le schéma ci-dessous illustre la dynamique chronologique entre AUD et AUR (NB : notez que seule la flèche 1 est dans les deux sens...) :
Le tableau suivant résume les notions principales du double financement de l'AU :
Distributif | Redistributif | |
---|---|---|
Chronologie | Antérieur au processus de production | Postérieur au processus de production |
Politique | Monétaire | Fiscale |
Principe | Politique monétaire symétrique : la monnaie devrait être créée à taux constant (déterminé par la formule de la théorie relative de la monnaie) et distribuée également et gratuitement entre les seules personnes physiques. |
Écart de richesse optimal : l'écart de richesse maximal observé est considéré comme "optimal" tant qu'il est compatible avec le financement du modèle synthétique d'allocation universelle, qui permet à chaque individu de subvenir à ses besoins primaires (se nourrir, se vêtir et se loger) sans devoir travailler. |
L'AU pourrait être instaurée par transition parallèle. Pendant la période de transition (une soixantaine d'années ?), l'ancien et le nouveau système de SS pourraient coexister, afin de garantir une liberté de choix pour les personnes qui avaient atteint l'âge adulte avant l'installation du nouveau système. Les adultes au moment de l'instauration du nouveau système auraient la liberté d'y entrer (définitivement) si et quand ils le souhaitent. Tous les enfants, présent et à venir, entrent systématiquement et définitivement dans le nouveau système.
Ainsi, au fur et à mesure des décès et naissances, le nouveau système se remplirait de nouveaux allocataires, tandis que l'ancien se viderait. Soulignons d'autre part que le coût du nouveau système de SS est quasiment nul puisqu'il se réduit à un ordre de virement permanent !
Pour approfondir la mise en application pratique de l'AU voir l'article Implémentation.
Les deux dernières sections de ce chapitre de synthèse présentent celles relatives à l'AUD et l'AUR.Comme illustré dans le schéma ci-dessus du cycle économique, le financement distributif de l'AU (AUD ≈ 12 % de AU) est opéré antérieurement au processus productif, en distribuant également et gratuitement la création monétaire entre tous les citoyens, la création monétaire étant dorénavant créée à taux relativement constant, seulement fonction de l'espérance de vie de la zone monétaire, selon la formule suivante :
AUD = ΔM / N ≈ 4 / v * Mt-1 / Nt où :
Nous avons donc que AUD = 0,056 * 15.500 / 0,342 ≈ 2.550 euros/ans ≈ 200 euros/mois en zone euro en 2021.
La proposition (ou découverte ?) du taux de croissance universel de la monnaie par l'ingénieur Stéphane Laborde en 2011 dans sa "théorie relative de la monnaie" (TRM) apporte une solution à la situation actuelle caractérisée par des politiques monétaires arbitraires aux motivations souvent occultes et douteuses, qui ne sont pas étrangères à l'instabilité monétaire (dont les bulles spéculatives) qu'elles sont supposées neutraliser.
Pas de création monétaire supplémentaire. Actuellement la monnaie est créée par les banques et distribuée par elles de façon arbitraire à des personnes physiques comme morales, via des crédits avec intérêts (donc remboursables et payants). Dorénavant la monnaie créée serait distribuée gratuitement et à parts égales entre les citoyens (donc uniquement à des personnes physiques). Ce seraient alors uniquement ceux-ci qui par leur consommation détermineraient désormais ce qui doit être produit, les banques perdant le pouvoir d'orienter la production via la part de la création monétaire allouée par elles aux entreprises (PS : les banques conservent cependant leur fonction d'intermédiaire entre prêteurs et emprunteurs, mais perdent le pouvoir de création et allocation monétaire, ce qui implique que leur coefficient de réserve doit être de 100% des crédits).
Approfondir : /financement-distributif
Comme illustré dans le schéma supra du cycle économique, le financement redistributif de l'AU (AUR ≈ 88 % de AU) est opéré postérieurement au processus productif, au moyen de l'impôt universel (noté T dans les formules ci-dessous).
Notre modèle synthétique d'AU repose sur une implémentation progressive de l'AUR :
d'abord en version différentielle : assez proche de l'actuel système du revenu minimum garanti (RMG) : si vos revenus sont inférieurs à l'AU, l'État vous verse alors la différence ;
ensuite (après une dizaine d'années) passage à la version additive, ce qui a pour effet :
Le modèle est alors formalisé par le système d'équations suivant :
Mode "différentiel-revenu" (dr) dans nos simulations.
où :
Une conjecture est donc posée : la période de transition aura pour effet de booster le PIB/hab de façon récurrente de sorte que la formule du taux d'imposition universel demeura valable pour financer le surplus AUR additive - AUR différentielle > 0 (dans la formule, T est fonction croissante du PIB/hab).
Le graphique suivant correspond aux équations n_Yd=AUD+Yb*(1-T)+AUR et n_AUR=SI((AUD+Yn)*R : revenu disponible Yd en fonction du revenu brut Yb, et revenu minimum garanti par l'AU. Il montre que grâce à l'AU ceux qui n'ont aucun revenu brut obtiennent un revenu disponible d'environ 1600 euros/mois (France, 2023), et qu'au-delà d'un revenu brut de 2.200 euros/mois(déterminé par les lignes hachurées), le revenu disponible devient inférieur à ce revenu brut (la courbe bleue passe en dessous de la diagonale Yd = Yb ). C'est l'effet de la politique fiscale redistributive : à gauche du point d'intersection les "bénéficiaires nets", et à droite les "contributeurs nets".
Réforme fiscale. Le graphique suivant correspond à l'équation n_T=1-(1+Yb*0,5/PIB/hab)^(-AU/PIB/hab), qui détermine le taux d'imposition universel (TIU) correspondant à chaque niveau de revenu. Il montre que la structure du taux d'imposition universel (courbe verte) accroît l'effet redistributif de l'impôt progressif, actuellement calculé sur base d'arbitraires "taux marginaux", dont le principe, mal compris par une grande majorité de la population, est en outre loin de favoriser la transparence et les anticipations rationnelles.
Approfondir : /financement-redistributif
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Une publication de François Jortay