V. Justification

Intelligence artificielle

Depuis la révolution industrielle, le progrès scientifique a toujours eu pour effet de rendre obsolètes certains types de travail, tout en en créant de nouveaux. Ainsi les révolutions technologiques – malgré les investissements de rationalisation (remplacer du travail par du capital) – ne réduisaient pas la création nette l'emploi ... dans la mesure où elles substituaient du travail intellectuel – généralement créé dans le secteur tertiaire (services) – à du travail manuel, généralement supprimé dans les secteurs primaire (agriculture) et secondaire (industrie).

Cependant, les travailleurs déclassés ne sont généralement pas les mêmes que ceux (généralement plus jeunes) qui trouvent du travail dans les nouvelles technologies, de sorte qu'il est très difficile de se reconvertir professionnellement sans perte importante de revenu. C'est pourquoi un système de sécurité sociale a toujours été nécessaire pour neutraliser les effets pervers des transitions technologiques sur les personnes déclassées.

Mais avec l'intelligence artificielle (IA), l'effet de compensation dans la création nette d'emploi, décrit plus haut, est mis en péril, puisque même le travail intellectuel est devenu robotisable. Le système de sécurité sociale doit donc être réformé, afin que le progrès technologique continue d'induire un progrès social.

Justice naturelle

L'idée d'une AU est cependant bien antérieure au concept d'IA. La justification historique de l'AU est essentiellement de nature éthique. Nous allons évoquer ici l'appropriation des ressources naturelles, l'imperfection judiciaire et l'effet aléatoire, comme causes de la pauvreté, vue comme état de "non-richesse".

L'appropriation
historique

Les ressources naturelles appropriées par des particuliers n'ayant pas été créées par leur travail, cette appropriation privée est asociale et immorale (il en est évidemment de même pour le transfert de ces propriétés, que ce soit par héritage ou vente). Une solution pour résoudre cette injustice est de limiter le droit de propriété privée aux seuls biens nécessaires à un individu pour sa reproduction (un terrain, une maison, des outils, ...), tout le reste étant propriété publique. C'est le principe du communisme. Notre modèle synthétique d'AU propose une solution alternative (complémentaire), que nous appelons "écart de richesse optimal" (ERO), et qui constitue une limite relative à l'écart de richesse observé, considéré comme "optimal" tant qu'il est compatible avec le financement d'une AU d'un montant égal à la moitié du PIB/hab.

L'imperfection
judiciaire

La fortune de certains est le fruit de malversations (escroqueries, vols, corruption, ...) au détriment de tiers. Or le meilleur des systèmes judiciaires ne pourra jamais être parfait, de sorte qu'une partie des injustices n'ont été, ne sont et ne seront jamais réparées.

Un archétype de la fortune frauduleuse est le baron Albert Frère, un des plus puissants actionnaires privés de la bourse de Paris, dont la richesse fut considérablement accrue suite à un faux en écriture couvert par le gouvernement belge en 1983 [source p. 97].

Injustice
du sort

Nombreux sont ceux qui ont raté leur projet de vie, non pas par paresse ou incompétence, mais par malchance (maladie, accident, vol, ...). À l'inverse, de nombreux "self-made men/women" qui ont fait fortune reconnaissent (mais généralement en fin de vie) que le hasard chanceux fut déterminant dans leur succès. Bien sûr, la paresse et l'incompétence sont une réalité, tout comme le courage et le talent. Mais il est extrêmement difficile de faire la part des choses entre hasard (chanceux ou malchanceux) et non hasard.

Dans ces trois cas – appropriation historique, imperfection judiciaire, et effet aléatoire – l'AU participe à neutraliser ces "injustices du sort".

Corrections systémiques

Dans la première section, nous avons évoqué une motivation "ex-ante" de l'AU, tandis que la section suivante traitait plutôt de justifications historiques inhérentes à la nature humaine. La présente section évoque des objectifs dont la pertinence est plus liée aux inefficiences du système de sécurité sociale que nous connaissons aujourd'hui :

1. simplifier le système socio-fiscal (cf. /financement-redistributif#fiscalite-actuelle ;
2. résoudre la problématique des pensions (cf. /securite-sociale-actuelle#retraite-sante) ;
3. égaliser (vers le haut) le statut des indépendants avec celui des salariés (cf. /effets-positifs#aide-petits-independants)  ;
4. déstigmatiser les ayants droits à l'aide sociale (cf. /securite-sociale-actuelle#non-recours) ;
5. résoudre le non exercice du droit aux aides sociales (cf. /securite-sociale-actuelle#non-recours) ;
6. neutraliser l'effet de trappe à inactivité (cf. /securite-sociale-actuelle#trappe-inactivite) ;
7. limiter les écarts de richesse, de façon relative et objective (cf. /production#ecarts-richesse).

Travail libre

Au-delà de la concrétisation du progrès technologique en progrès social, de l'éradication de la pauvreté et des réformes de rationalisation, l'objectif fondamental de notre AU du modèle synthétique est de donner à chacun la possibilité de construire librement un projet de vie productive.

Ainsi l'effet de cette AU sur la dimension qualitative de la production est fondamental. La décision de ce qui est de la valeur, ne serait alors plus le monopole du marché et de l'État (ou plus exactement des forces qui les contrôlent). Chaque individu aurait la possibilité de se consacrer à la production de valeur(s) qu'il considère comme importante(s).

Le marché et l'État ne perdront pas pour autant la force de travail dont ils ont besoin, car nombreux seront celles et ceux qui voudront élever leur niveau de vie au-dessus de ce que leur permet l'AU, car la rentabilité financière des activités librement choisies grâce à celle-ci n'est pas nécessairement suffisante pour atteindre le niveau de vie souhaité.

Rappelons enfin un fait confirmé par de nombreuse études sociologiques : l'humain ne travaille pas que pour assurer ses besoins de base (nourriture, vêtements, logement, ...) ou s'enrichir, mais également pour des raisons moins matérialistes, comme entretenir des relations sociales, mettre en valeur et développer ses compétences, ou encore, plus fondamentalement, être utile à la société.