Description succincte des sections suivantes :
Nous verrons donc que le qualificatif de "synthétique" dans la dénomination de notre modèle d'AU se justifie par trois raisons :
Avant d'entrer de plein pied dans l'analyse du financement de l'AU il est utile de rappeler ici quelques notions théoriques fondamentales.
A partir du PIB on obtient le revenu national en déduisant la dépréciation annuelle du capital et en ajoutant le solde des revenus étrangers. Ainsi le revenu national représente environ 90% du PIB (NB : les pourcentages mentionnés ici sont des ordres de grandeur, des différences parfois importantes pouvant exister selon le pays ou la période). A partir du revenu national on obtient le revenu disponible moyen en retirant les impôts (50% du revenu national) et en ajoutant les transferts (chômage, retraites, etc, soit 25% du revenu national). Le revenu disponible représente donc 100-50+25 = 75% du revenu national, les 25% de différence étant consacrés aux services publics (éducation, santé, routes, justice, police, ...) [source]. Autrement dit, la moitié du revenu national est capté par l'État via les impôts, qui en utilise la moitié pour les transferts (redistribution), et l'autre moitié pour les services publics [source p. 39].
Le revenu disponible moyen ("niveau de vie") en zone euro était d'environ 1.700 euros/mois en 2016 [source]. Cette moyenne masque cependant les inégalités de revenu.
Si le PIB et le revenu sont des flux, le patrimoine (la richesse) est quant à lui un stock. En 2017, le patrimoine moyen des ménages de la zone euro s’élève à 230 000 euros, tandis que le patrimoine médian est de 100.000 euros [source]. Ce patrimoine moyen se décompose en deux parts : la plus grosse concerne l'immobilier (nette des dettes), et la plus petite les actifs mobiliers. Cette moyenne masque la répartition inégale des richesses : trois quart des citoyens ont un patrimoine inférieur à 220.000 euros, et un tiers n'a aucun patrimoine financier (épargne).
Enfin les ménages détiennent 76 % du patrimoine national, les entreprises 23 % et l'État 1% (France, 2020, source). En 2016 les parts étaient de 80, 19 et 1 %. On assiste donc à une appropriation croissante du patrimoine national par les entreprises au détriment des ménages.
La patrimoine moyen représente donc environ une dizaine d'années de revenus. D'autre part le revenu national étant composé à 75% de revenus du travail et 25% de revenus du capital [source p. 28], le rendement moyen du capital est donc de 0,25 * 1.600 * 12 / 220.000 ≈ 2 %/an, soit 0,02 * 220.000 / 12 = 370 euros/mois. Mais là encore ces moyennes masquent de grandes disparités : le patrimoine des plus pauvres est composé essentiellement de capital non financier (logement), or les revenus du capital financier (dividendes des actions, intérêts des obligations, ...) représentent le double des revenus du capital non financier (loyers, bénéfices des sociétés, ...) car leur rendement est plus élevé [source p. 29].
La notion de revenu disponible exposée plus haut implique l'intervention de l'État en tant qu'acteur social. Mais l'État – expression de notre volonté de vivre aussi en collectivité – est également acteur juridique, scientifique, ainsi que du développement économique à long terme (les entreprises privées étant par nature plus focalisées sur la maximisation du profit à court terme). Pour financer ses productions de biens et services l'État dispose de quatre moyens complémentaires :
deux moyens de financement qu'il a en commun avec les entreprises privées :
emprunts (auprès du secteur privé domestique ou étranger et auprès d'États étrangers ou d'organismes internationaux tels que le FMI) qu'il doit rembourser à échéances fixes, avec en plus le paiement d'intérêts (et même, dans le cas du FMI, avec une obligation de politiques économiques d'orientation libérale ...) ;
dividendes provenant des entreprises publiques (malheureusement de plus en plus rares suite à leur privatisation par des décideurs politique convertis à l'idéologie libérale ou corrompus) ;
et deux moyens de financement dont il a le monopole :
prélèvements obligatoires : impôts, taxes et cotisations (le tableau ci-dessous montre leur répartition moyenne en Europe ; voir aussi les statistiques de l'OCDE);
création de monnaie "ex nihilo", mais cet instrument est contraint par deux phénomènes :
Inflation. Pour éviter d'alimenter l'inflation la création monétaire doit avoir pour contrepartie une augmentation des capacités de production de biens et services additionnels pour lesquels il existe une demande de la part des agents économiques (ménages, entreprises et État) [approfondir] ;
Sous-traitance. Malheureusement de nombreux État, en particulier ceux de l'Union européenne, ont renoncé à cet instrument, sauf pour refinancer les banques pourries (cf. le "quantitative easing" suite à la crise des subprimes initiée en 2008) qui utilisent comme moyen de chantage et de racket le fait que les États leur ont confié la fonction de création et allocation monétaire [approfondir].
Le premier tableau ci-dessous présente la répartition des recettes fiscales dans la zone euro, tandis que le second tableau expose la répartition des dépenses publiques, dont celle de sécurité sociale. Les données sont exprimées en % du PIB (NB : indirectement dans le premier tableau).
On notera que les impôts sur le bénéfice ne représentent que 6 à 7 % des recettes fiscales, et que pour la zone euro, les prélèvements sur le capital en représentent 20 %, contre 80 % pour le travail et la consommation ...
On notera qu'en France, l'ensemble constitué par les postes "dépenses de chômage", "exclusion sociale" et "aides au logement" ne représente que 15 % des dépenses de SS, et 8 % des dépenses publiques.
Entre 2017 et 2021, les dépenses publiques dans la zone euro sont passées de 47 % à 51 % du PIB, principalement en raison de l'augmentation du poste "affaires économiques" (essentiellement constitué des postes "subsides" et "transports").
Comprenons bien que l'expression « coût de l'allocation universelle » exprime ou plutôt trahit une motivation de classe, celle des contributeurs nets de l'AU. L'expression neutre/scientifique devrait donc être « effet redistributif de l'AU » (ou éventuellement « besoin de financement »). Ainsi le revenu de base constitue une régression sociale s'il diminue le niveau de redistribution des richesses, il l'augmente dans le cas inverse (PS : cette affirmation ne vaut que jusqu'à ce que l'écart de richesse optimal n'est pas atteint : /limiter-ecarts-richesse#ecart-richesse-optimal ).
Une autre expression reflétant le point de vue des plus riches est « dépenses de transfert » plutôt que « transferts de richesse ».
Expression de classe | ⇒ | Expression scientifique |
---|---|---|
Coût de l'AU | Effet redistributif de l'AU | |
Dépenses de transfert | Transferts de richesse |
De même l'expression « proposition d'AU budgétairement neutre » (c-à-d « sans impact sur les finances publiques ») signifie en réalité « qui ne modifie pas le niveau de (re)distribution des richesses » . Et c'est bien là que réside la nature "confusionniste" de la première expression puisqu'une hausse de la redistribution des richesses permet justement d'assurer l'équilibre comptable que l'expression « budgétairement neutre » signifie !
Le tableau suivant, réalisé par The Economist à partir des données de l'OCDE, montre qu'en France le montant d'une AU "fiscalement neutre" – c-à-d sans augmenter le niveau de redistribution et en se limitant à simplifier le système de sécurité sociale – est de 9.400 USD/an, soit 630 EUR/mois, ou encore 23% du PIB/hab.
Cette notion d'AU "budgétairement neutre" peut avoir pour effet de biaiser complètement certaines études scientifiques en n'en faisant que d'inutiles voire confusionnistes tautologies. C'est le cas d'une étude de l'OCDE publiée en 2017, et fondée sur le concept de "budget-neutral basic income" ... plutôt que de "basic income minimizing redistribution changes".
L'objectif de cette étude de l'OCDE est de procéder à une comparaison internationale du "coût" du revenu de base, en tenant compte du fait que le niveau de redistribution des richesses varie fortement selon le pays. Pour ce faire la méthode utilisée par l'OCDE est la suivante :
« To compare like with like across countries, all remaining results are calculated for budgetary neutral Basic Income (BI) reforms, effectively bringing the “overall direct budgetary effect” to zero. This is done in two different ways :
Le montant ainsi obtenu pour un revenu de base "budgétairement neutre" varie selon le pays. En France il est de 456 euros/mois (*), ce qui est très proche du RSA minimum. L'OCDE en conclut donc que le revenu de base « would not prove to be an effective tool for reducing poverty » [source, page 23].
(*) Le tableau supra, établi par The Economist à partir des données de l'OCDE, mentionne quant à lui un montant de 630 euros/mois ...
Cependant ce raisonnement est absurde car il n'est qu'une tautologie : pour que l'inconditionnalisation du revenu minimum garanti (RMG) soit compatible avec une augmentation de revenu pour l'ensemble des plus pauvres, cette inconditionnalisation doit nécessairement être couplée à une augmentation du RMG et, partant, du niveau de redistribution des richesses
Or, les calculs de l'OCDE se basent précisément sur une AU "budgétairement neutre", ce qui implique mécaniquement que l'inconditionnalisation du RMG que constitue le revenu de base implique nécessairement une moindre redistribution. La conclusion de l'étude de l'OCDE n'est donc bien qu'une tautologie.
Il suffit d'ailleurs de constater que si l'on divise le montant total de la sécurité sociale (y compris les retraites et l'assurance maladie) – soit environ 700 milliards (France, 2014) – par la population (66 millions) on obtient à peu près le montant du RMG. Or celui-ci est inférieur au montant minimum de l'allocation de chômage et de retraite. Pour dire la même chose autrement : simplifier la sécurité sociale au moyen de l'AU sans réduire le montant des aides actuellement ciblées requiert une augmentation du budget de la SS (et donc le montant des transferts requis pour la financer).
En conclusion, le financement fiscal de l'AU, vise notamment à ce que :
Nous définissons le taux de redistribution de l'AUR (TR) par le rapport entre l'AUR et le PIB/hab (en euros/mois) :
TR = AUR / PIB/hab
⇔
TR = ( AU - AUD ) / (PIB/hab) ⇔
TR = ( PIB/hab / 2 - AUD ) / (PIB/hab) ⇔
TR = 1 / 2 - AUD / (PIB/hab) ⇒
TR = 50 % - 12,5 % = 37,5 %
Cette valeur n'a qu'une signification relative : elle nous permettra de comparer les niveaux de redistribution des différents modes de financement redistributifs. La valeur ci-dessus correspond au mode de référence, à savoir le mode distributif intégral (di) dont le TR est le plus élevé.
Dans l'Union européenne le travail est taxé en moyenne à 21% contre seulement 8% pour le capital et 2% pour la propriété [2019 - source]. Ainsi donc le système fiscal privilégie les plus riches.
Les prélèvements obligatoires sur le capital ponctionnent :
Le graphique suivant (France 2010) représente :
On constate :
Au total il en résulte que le taux d'imposition effectif global des plus riches est inférieur à celui des plus pauvres : environ 35%, contre 40% pour les plus pauvres et un peu moins de 50% pour la classe moyenne !
Concernant la couche inférieure (impôts sur le revenu) il ressort des travaux de Piketty que moins de 20 % des revenus du capital réels (tels que mesurés par les comptes nationaux) se retrouvent dans la base de l’impôt progressif sur le revenu. Par comparaison, plus de 90 % des revenus du travail réels (tels que mesurés par les comptes nationaux) sont imposés au barème progressif d’imposition [source p. 70].
C'est donc notamment au niveau des privilèges fiscaux qu'il faut aller chercher des sources de financement pour l'AU.
Impôt effectif = impôt théorique - dépenses fiscales - fraude fiscale
Les dépenses fiscales sont des exemptions d'impôts accordées à certains groupes de contribuables. Ces exonérations peuvent porter sur le taux de l'impôt et/ou sur la base sur laquelle le taux est appliqué, de sorte que l'impôt effectivement payé est inférieur à l'impôt déterminé par la loi.
Les niches fiscales se comptent par centaines. Leur nombre et complexité facilite la fraude fiscale par les riches contribuables – particuliers ou grandes entreprises – capables de payer les services d'experts en optimisation fiscale.
D'après une étude de l'université de Leuven, l'État belge pourrait accroître ses recettes fiscales d'environ cinq fois le montant du déficit budgétaire annuel (!) rien qu'en réduisant la fraude fiscale et sociale ainsi que les privilèges fiscaux (dont bénéficient essentiellement le 1% des plus riches de la population) [source].
Les dépenses fiscales associées à l’impôt sur le revenu réduisent fortement la redistribution opérée par les prélèvements obligatoires. En effet, l’avantage obtenu grâce à une exonération, un abattement, une déduction ou une réduction d’impôt est d’autant plus important que les revenus de l'entreprise ou du particulier sont élevés [source p. 4]. Ainsi la plupart des grandes fortunes (particuliers ou entreprises) bénéficient du privilège de négocier leurs impôts ! [source].
Privilèges fiscaux. Selon le PTB (Parti du Travail de Belgique), alors qu'en Belgique le taux théorique de l'impôt des grandes sociétés est de 34%, le taux effectif est de seulement 8% pour les 1000 plus grandes sociétés installées en Belgique, et 1% pour le top 50 [source].
Faux ? Selon l'avocat fiscaliste Christophe Goossens, membre du bureau d'avocat New-Yorkais White & Case, ces chiffres sont trompeurs. Ce n'est qu'une apparence LOCALE (le seul siège central) affirme le fiscaliste car GLOBALEMENT ces entreprises ont bien payé un impôt, mais dans d'autres pays. Pour les 10 premiers groupes installés en Belgique le taux effectif de cet impôt serait de 25% selon Goossens. Celui-ci omet cependant de souligner que ce taux est quand même inférieur au taux théorique de 34%, Goossens préférant ajouter que si l'on prend en compte la taxation subséquente des dividendes perçus par les actionnaires (30%) le taux effectif passe de 25% à 47% [source]. Le conseiller fiscal oublie également de dire que si ces entreprises sont en mesure d'extraire des comptes de résultat annuels une partie de leurs activités bénéficiaires (activités hors bilan et autre finance de l'ombre), il en résulte que leur taux d'imposition effectif est inférieur aux chiffres qu'il avance ...
Chantage à la délocalisation. Or ces privilèges fiscaux ne sont pas nécessairement obtenus par corruption des gouvernements, mais également par le chantage à la délocalisation. En nationalisant les grandes sociétés (en général 15% à 30% de l'emploi total selon le pays) on réduirait donc considérablement la problématique des délocalisations (qui sont principalement le fait de grandes sociétés), et partant, des privilèges fiscaux obtenus par le chantage à la délocalisation.
Structure productive nationale. L'État devrait donc investir massivement et de façon récurrente dans l'infrastructure productive nationale, par le développement d'entreprises 100% publiques, dans tous les secteurs économiques. L'État pourra ainsi engranger d'énormes recettes, tout en assumant des missions qui ne seraient plus corrompues par la maximisation du profit. Pour ce faire le service public ne doit pas hésiter à s'attribuer des monopoles si nécessaire, et à bloquer l'accès au réseau Internet sur le territoire national par des entreprises nationales ou étrangères qui ne respectent la législation nationale.
Entreprises publiques. Dans notre article democratiedirecte.net/entreprise-publique, nous avons énoncé les conditions requises pour garantir le contrôle démocratique des moyens de production de masse :
N.B. Il s'agit de l'AU de notre modèle synthétique, dont environ 12 % correspond à la symétrisation de la création et allocation monétaire, c-à-d création à rythme constant, et distribution gratuite et en parts égales entre les seules personnes physiques.
Dans un tel système la part des entreprises publiques dans l'économie serait considérablement supérieur à ce qu'il est aujourd'hui. Cela neutraliserait d'autant les délocalisations, et augmenterait les recettes publiques car en substituant les revenus d'entreprises nationales aux recettes fiscales de grandes sociétés privées l'État récupère les dividendes que s'octroyaient leurs propriétaires, et cela d'autant plus que les grandes sociétés privées ne paient quasiment pas d'impôts ! Selon des sources patronales les dividendes représenteraient entre 5% et 9 % du PIB [source], mais 15 à 20% selon les estimations de Bernard Friot.
Les injustices fiscales que nous venons d'évoquer suggèrent qu'une partie du financement de l'allocation universelle pourrait être dégagée en accentuant la progressivité légale et effective des impôts et taxes, au niveau des taux comme des bases. Ainsi l'on pourrait augmenter les recettes au niveau :
des cotisations sociales ;
Taxer les robots. Une voie consiste à augmenter les existantes cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises. Selon Olivier Passet « adosser les cotisations à la valeur ajoutée, de sorte à rétablir une neutralité entre tous les facteurs de production, paraît (...) la piste la plus prometteuse et celle qui de surcroît limite les risques d’optimisation et d’évasion fiscale » [approfondir].
de l'impôt sur les revenus du travail (méga-salaires) et du capital (bénéfices, dividendes, intérêts, loyers, plus-values, ...) ;
Taux d'imposition maximum. Aux USA, dans les années suivant la fin de la seconde guerre mondiale, les revenus les plus élevés étaient taxés à 90% ! Aujourd'hui le taux marginal maximum théorique des ménages est généralement inférieur à 50% [source].
Évitement fiscal. Les biens mobiliers étant par définition relativement mobiles, leurs propriétaires privés peuvent les déplacer relativement facilement vers des pays où ils sont moins taxés (dumping fiscal). Les États ont donc intérêt (i) à maximiser la propriété publique des biens mobiliers, et (ii) à réglementer les exportations et importations de capitaux en conditionnant le franchissement des frontières numériques nationales au respect de ces réglementations.
de l'impôt sur les biens immobiliers : la taxe foncière est par nature immunisée contre la délocalisation.
Approfondir : problématique de la taxe d'habitation.
des taxes (quasiment inexistantes) sur les transactions monétaires internationales (taxe Tobin) ;
des droit de succession : mesure recommandée par de plus en plus d'économistes, car ce type de prélèvement à relativement peu d'effet dissuasif sur la consommation et l'épargne ;
Jacques Berthillier propose le principe de non‐transmission héréditaire du capital productif. L'État en deviendrait propriétaire et le mettrait en location [source]. Lorsque ce capital productif est une entreprise ses salariés pourraient alors en devenir locataires.. Voilà qui nous conduit au concept de coopérative publique.
de la TVA sur les biens de luxe ;
NB : afin de préserver la progressivité de l'impôt, la TVA devrait être limitée au biens de luxe car les dépenses de consommation en général - sur lesquelles cet impôt est prélevé - représentent une part du revenu beaucoup plus petite pour les riches que pour les pauvres (c'est pourquoi l'on dit que la TVA est un impôt dégressif).
À noter que les taxes visant à contrer les effets pervers de l'activité économique (pollution, spéculation, ...), ne peuvent être considérées comme source de revenus récurrents (propriété nécessaire pour l'AU) dès lors que leur objectif est de réduire la base sur laquelle elles sont appliquées.
Le même type de critique est exprimé par les opposants au capitalisme privé (libéralisme), qui considèrent que corriger les effets pervers du capitalisme ne sert qu'à rendre acceptable l'exploitation du travail par le capital privé. Notre approche est plus synthétique et repose sur deux points essentiels :
économie mixte : présence d'entreprises publiques (concurrentes) dans chaque secteurs stratégique, nationaliser – par référendum automatique – les entreprises privées qui abusent d'une position dominante ;
écart de richesse optimal (ERO) : l'écart de richesse observé (maximal comme moyen) est considéré comme "optimal" tant qu'il est compatible avec le financement du modèle synthétique d'allocation universelle, qui permet à chaque individu de subvenir à ses besoins primaires (se nourrir, se vêtir et se loger) sans devoir travailler [approfondir]
Ainsi nous proposons une réforme fiscale qui permet d'implémenter extrêmement simplement les mesures proposées plus haut. Elle repose sur le fait que le niveau absolu de la fiscalité n'a en soi aucune signification économique ou sociale : ce qui compte c'est l'évolution des écarts de richesse, et du revenu disponible de la majorité de la population ;
Commençons par régler la question de la réforme fiscale, mais en comprenant bien la problématique. Celle-ci peut se résumer en trois points :
Certaines motivations étaient bien intentionnées (aider les plus démunis, stimuler l'activité économique ... mais l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions), et d'autres ne l'étaient pas (corruption) ;
Nous voulons simplifier le système fiscal en établissant une formule universelle pour tous les taux de taxation, remplaçant l'opaque et surtout arbitraire système des taux marginaux.
Le système en vigueur dans la plupart des pays est celui du taux marginal, dans lequel l'impôt dû (et donc le revenu net) se calcule par tranches de revenu : à chaque tranche correspond un taux marginal, qui augmente à chaque tranche de revenu (barème), .... jusqu'à un certain niveau de revenu.
Barème de l'impôt sur le revenu (France, 2022)
Revenu brut annuel | Taux marginaux |
---|---|
0 à 10.000 | 0 % |
10.000 à 26.000 | 11 % |
26.000 à 75.000 | 30 % |
75.000 à 160.000 | 41 % |
> 160.000 | 45 % |
Dans le système de l'impôt marginal, le taux d'intérêt effectif (Te) vaut la vaut la somme des tranches d'impôt dû pour chaque tranche, divisée par le revenu brut :
Te = ( ∑i=1 n Ybi * Ti ) / Yb où :
Tn est parfois appelé plus simplement "taux marginal" du revenu Yb.
On constate que les taux effectifs sont inférieurs aux taux marginaux, ce qui est logique dès lors que le taux marginal augmente avec la tranche de revenu (taux progressif discontinu). Le fait que de nombreux agents économiques croient que leur taux marginal est leur taux effectif a pour effet (i) qu'ils surestiment leur taux d'imposition, et (ii) qu'ils craignent le passage dans une tranche supérieure alors que ces tranches n'existent qu'en théorie. Cela est d'autant plus nuisible à l'activité économique que la différence entre taux marginaux et effectifs est substantielle, comme l'illustre le graphique suivant.
Vous trouvez tout cela bien compliqué ? Et pourtant la présentation ci-dessus est une simplification de la réalité fiscale qui est bien plus complexe, car il faut également prendre en compte des mesures complémentaires telles que la décote, le quotient familial, le quotient conjugal, etc. Cette complexité est le résultat de l'accumulation de mesures supposées moduler l'impôt pour plus de justice et d'efficacité, mais qui en raison de leur enchevêtrement ne sont peut-être ni justes ni efficaces.
On peut se demander à quoi sert le système du taux d'imposition marginal :
complexité : selon Piketty « personne ne comprend rien au barème de l’IRPP et à ses tranches de taux marginaux ! Combien de fois entend-on des contribuables effrayés par l’idée de "sauter une tranche" et, par là même, de subir une perte nette de revenu après impôt ? En réalité, cela ne peut arriver, car, par définition, des taux marginaux ne s’appliquent qu’à la fraction du revenu comprise dans chaque tranche ("à la marge"). (...) Les citoyens voient passer chaque année le nouveau barème dans les journaux, mais ils zappent immédiatement : impossible, en regardant le barème, de comprendre quoi que ce soit et de déterminer simplement et clairement qui paie quoi au titre de l’impôt sur le revenu. C’est dommage, car il s’agit d’une question démocratique essentielle » [source p. 60] ;
arbitraire : le paramétrage du barème (combien de tranches ?, quel taux pour chaque tranche ?), ne reposant sur aucun critère scientifique, est totalement arbitraire, ce qui ne favorise pas l'harmonisation internationale.
L'impôt universel résout ces problèmes.
On veut établir une formule permettant de déterminer de façon non arbitraire le taux d'imposition applicable :
Nous voulons enfin que le référentiel soit l'individu c-à-d les personnes physiques. En effet seul le travail humain est facteur/agent de production. Le capital (matériel ou financier) n'est que moyen/objet de production. C'est donc la personne physique et non la personne morale (les entreprises) qui est le référentiel.
Pour ce faire nous allons utiliser l'AU et le PIB/hab comme paramètres de la formule.
1. MénagesNotre formule du taux d'imposition universel est la suivante :
T(Yb) = 1 - ( 1 + Yb / (PIB/hab) ) - AU / (PIB/hab)
Comment cette formule a-t-elle été conçue ? Nous avons procédé comme suit :
Ce tableur didactique présente cette démarche en détails.
Version simplifiée. Dès lors que :
AU = PIB/hab / 2 ⇒
T(Yb) = 1 - ( 1 + Yb / (PIB/hab) ) - 1/2 ⇔
T(Yb) = 1 - ( 1 + Yb / (AU / 2) ) - 1/2
L'animation suivante montre la courbe des taux effectifs actuels de l'impôt sur les revenus (bleu), avec celle des taux universels (vert), et cela pour deux valeurs d'essai de l'AU :
Concernant les plus bas revenus, rappelons que notre AU du modèle synthétique (qui vaut 1.600 euros/mois) est additionnelle (et non pas différentielle), et non taxée.
Méga-revenus. Le tableau suivant est à une autre échelle que le précédent : il montre le cas des personnes dont le revenu mensuel se chiffre en millions d'euros (concerne notamment les méga plus-values et transmissions de capital). En outre, la valeur d'essai de l'AU utilisée pour calculer le taux universel d'imposition passe cette fois de 650 euros/mois à sa valeur dans notre modèle synthétique, soit PIB/hab / 2 = 1.600 euros/mois.
Constatation importante : alors que dans le système fiscal actuel, le taux d'imposition effectif du revenu des ménages est tangentiel à 41%, il l'est à 100% dans le cas du taux d'imposition universel.
La formule du taux d'imposition universel vaut également pour l'impôt sur le bénéfice des entreprises. Il suffit simplement d'y remplacer le revenu brut Yb par le bénéfice brut par salarié à temps plein Ben/Sal :
T(Ben/Sal) = 1 - (1 + Ben/Sal / (PIB/hab) ) - AU / (PIB/hab)
Première conséquence : les taux d'imposition universels de l'indépendant sont identiques à ceux du travailleur salarié (PS : rappelons à cet égard que les indépendants bénéficient de l'AU au même titre que les salariés et les personnes dites "inactives").
Deuxième conséquence : entre deux entreprises réalisant le même bénéfice brut, celle qui a le plus d'employés bénéficiera d'un taux d'imposition inférieur. Il s'agit donc d'un moyen efficace pour inciter les entreprises à engager des travailleurs, ou, dans le cas contraire, à partager (via le financement redistributif de l'AU) les gains de productivité leur permettant de produire plus sans engager de travailleurs supplémentaires.
Le graphique suivant montre le cas des petites entreprises.
Enfin il est intéressant de noter qu'en moyenne le résultat net mensuel par salarié des grandes sociétés européennes est d'environ 4.200 euros, soit 2,6 fois le montant de notre AU.
Tableur ods (màj. : janvier 2023)
Le taux d'imposition universel (TIU) a deux propriétés importantes :
En effet, dès lors que AU = PIB/hab / 2, quel que soit le niveau de développement des pays (mesuré par le PIB/hab), pour un niveau de revenu déterminé, les taux d'imposition sont invariants.
La pertinence du TIU doit cependant être relativisée dans la mesure où il y a évidemment des "degrés de liberté" au niveau de l'assiette de chaque impôt et taxe.
Il faut donc voir la formule du TIU comme une valeur d'équilibre vers laquelle pourrait tendre naturellement (à démontrer expérimentalement ...) le taux moyen de fiscalité dans un système économique ou serait appliqué le principe d'écart de richesse optimal (ERO), selon lequel l'écart de richesse observé (maximal comme moyen), et partant le taux de fiscalité moyen, sont considérés comme "optimaux" tant qu'ils sont compatibles avec le financement du modèle synthétique d'allocation universelle (modèle synthétique), qui permet à chaque individu de subvenir à ses besoins primaires (se nourrir, se vêtir et se loger) sans devoir travailler.
Autrement dit, il ne faut pas hésiter à taxer plus haut que le TIU si cela s'avère nécessaire ⇔ le TIU doit être considéré comme une valeur minimale pour le taux d'imposition.
Rappelons enfin que, selon une étude menée sur 45 pays, le principal déterminant de l’évasion fiscale n'est pas la pression fiscale mais la complexité du code des impôts ! [source]. Or notre taux d'imposition universel est le plus simplifié qu'on puisse imaginer, tout en s'adaptant de façon objective au niveau de vie des pays.
La question fiscale ayant été traitée, abordons maintenant les différents modes d'AU.
Nous identifions quatre modèles de l'allocation universelle redistributive (AUR) :
intégral : montant fixe identique pour tout niveau de revenu, et :
différentiel : montants différentiels variables, calculés :
Par « différentielle » nous entendons que AUR = SI ( Yn < AU ; AU - X ; 0 ), où X est défini :
Soient :
Enfin le mode "intégral additif " étant trivial nous allons l'utiliser comme référentiel afin de faciliter la compréhension des trois autres.
1. Différentiel revenuLe mode "différentiel revenu" est proche de l'actuel système du revenu minimum garanti.
Comme le mode ia fait office de référentiel, nous avons que dans le tableau suivant, la cellule C8 = A6.
N.B. J'attire l'attention du lecteur sur le fait que, par définition des deux modes différentiels, la valeur de l'AUR de la cellule E8 est inférieure à celle de la cellule A6, puisque la première est précisément ... différentielle !
Le tableau se lit comme suit : pour un revenu brut mensuel mentionné en A10 (essayez aussi les valeurs 0 et 10.000 ...), le revenu disponible du mode étudié est affiché en I5, et le solde public correspond en I9.
Tableur. NB : l'affichage d'indice n'étant pas très lisible dans le tableur, AUD et AUR y sont notés respectivement AUd et AUr.
Constatez que le montant de revenu brut (cellule A10) au-dessus duquel le revenu disponible (I5) lui devient inférieur est de 1600.
N.B. Le solde public mentionné en I9 n'est que la "contribution" (positive ou négative) d'un seul seul revenu (d'un montant fixé dans A10) au solde public. En l'occurrence on constate que le solde (négatif) du mode dr représente environ la moitié du solde du mode ia (notre référentiel), pour ce revenu.
Pour vous aidez à comprendre l'essentiel de l'équation de l'AUR(Δ) de la cellule E8 (et E11), en voici la version simplifiée (AUD=0 et R=1) :
AUR(Δ) = SI ( Yn < AU ; AU – Yn ; 0 ) ⇔
AUR(Δ) = MAX ( AU - Yn ; 0 )
Passons maintenant au mode "différentiel impôt", mieux connu sous la dénomination "d'impôt négatif".
Constatez que le montant de revenu brut (cellule A10) au-dessus duquel le revenu disponible (J5) lui devient inférieur est d'environ 2900.
Version simplifiée de l'équation de l'AUR(Δ) de la cellule F8 (et F11) :
AUR(Δ) = SI ( Yb * T < AUR ; AUR – Yb * T ; 0 ) ⇔
AUR(Δ) = MAX ( AUR - Yb T ; 0 )
N.B. L'AUR du membre de droite est celle de la cellule A8, tandis que la valeur de ce membre de droite est l'AUR différentielle, c-à-d la somme effectivement versée, garantissant un revenu total disponible au moins égal à la valeur de la cellule A6.
Constatez que le montant de revenu brut (cellule A10) au-dessus duquel le revenu disponible (I5) lui devient inférieur est de 1600.
Version simplifiée de la cellule D3 :
COT = SI ( Yb * ( 1 - T ) > AUR ; Yb * T + AUR ; Yb ) ⇔
COT = SI ( Yn' > AUR ; Yb * T + AUR ; Yb ) ⇔
COT = MIN ( Yb * T + AUR ; Yb )
Lecture : si le revenu net "hors système AU" est supérieur à l'AUR alors la cotisation "hors système AU" (Yb * T) est augmentée du montant de l'AU, sinon elle est vaut le revenu brut ;
Commentaire : dans ce mode tout le monde reçoit le même montant d'AU, indépendamment du revenu brut, la différence se situant au niveau de la cotisation sociale.
NB : Certains pays n'excluent pas les cotisations du revenu imposable, considérant qu'il s'agit de "revenus différés" dès lors qu'elles sont utilisées exclusivement pour financer les pensions et les allocations de chômage. Nous n'appliquons pas ici ce principe.
Il est intéressant de comparer ce mode au mode "différentiel revenu" (proche de l'actuel revenu minimum garanti).
Le salaire super-brut (encore appelé "salaire total") du mode "intégral cotisé" (H2) n'augmente pas relativement à la situation en mode "différentiel revenu" car le salaire net de cotisations (H4) est abaissé d'autant (et ne peut devenir négatif). Le revenu disponible du salarié (H5) reste également inchangé car l'État lui verse l'AUR (H8).
En passant du mode "différentiel revenu" à "intégral cotisé" l'employeur paie d'autant moins en salaires mais d'autant plus en cotisations. Il en résulte que le coût du travail pour l'employeur (H2) est inchangé, de même que le solde de l'État (H9).
Enfin l'employeur d'un travailleur à temps partiel et dont le salaire est inférieur à l'AU ne paierait plus du tout de salaire mais uniquement des cotisations pour un montant équivalent au salaire brut. Le solde entre salaire et AU est à charge de l'État, mais le coût total pour l'État reste inchangé car l'employeur verse plus de cotisations (H3). Quant au coût total pour l'employeur il est aussi inchangé puisque d'autre part l'employeur ne paie plus rien en salaire (H4).
Observons maintenant le cas d'un individu sans revenus. On constate que, dans ce cas particulier, les quatre mode sont rigoureusement équivalents !
Ce cas le plus dépouillé fait clairement apparaître que les soldes globaux sont égaux à l'AUD (nous verrons que cela est vrai pour tous les revenus). Cette différence entre solde public et solde global n'est certes qu'une écriture comptable, et dès lors que c'est l'État qui créé la monnaie on pourrait à priori fusionner le solde global dans le solde public. Mais agir de la sorte reviendrait à ne pas prendre en compte le fait que la monnaie est crée ex-nihilo (NB : c'est déjà le cas aujourd'hui comme expliqué en détail dans notre article sur la création monétaire), c-à-d qu'elle est auto-financée, et que par conséquent elle ne requiert aucune augmentation de la fiscalité.
Rappel. Le financement monétaire de l'AU ( AUD / AU ≈ 12 %) n'implique pas de création monétaire supplémentaire, mais un autre mode d'allocation de la création monétaire entre agents économique. Dans notre modèle synthétique d'AU la création monétaire est allouée gratuitement et en parts égale entre les personnes physique, alors qu'actuellement elle est allouée non gratuitement (elle est remboursable et, qui plus est, avec intérêts !) entre personnes physiques et morales (entreprises, ...) par décisions arbitraires de banques commerciales privées. C'est tout simplement incroyable que nous acceptions cette situation !
Commençons par un tableau comparant les formules simplifiées (AUD=0 et R=1). Le seuil de contribution nette (montant du revenu brut au-dessus duquel le revenu disponible lui devient inférieur) correspond aux formule non simplifiées.
Modes | AUR (ou COT) | Seuil contrib. (Yb = 500 euros/mois) |
---|---|---|
intégral additif | AUR | 4.600 |
intégral cotisé | MIN ( AUR + Yb * T ; Yb ) | 1.600 |
différentiel revenu | MAX ( AU - Yn ; 0 ) | 1.600 |
différentiel impôt | MAX ( AUR - Yb * T ; 0 ) | 2.900 |
Analysons maintenant les modifications des valeurs du tableau issus de notre tableur, dans le cas où notre individu sans revenu trouve un emploi à temps partiel lui rapportant un salaire brut de 500 euros/mois. On voit que dans tous les cas le revenu disponible n'est jamais inférieur à l'AU (cellules G5 à J5). Cependant le solde public est nettement moins négatif pour les deux modes centraux : "intégral cotisé" et "différentiel revenu".
On notera que les deux modes centraux (ic et dr) sont équivalents en termes de coût brut de l'entreprise (H2 et I2), de revenu disponible de l'individu (H5 et I5) et de solde public (H9 et I9), ce qui peut également se démontrer mathématiquement à partir du tableau des formules.
Cependant la dernière ligne de formules du tableau suivant (juste au-dessus de la ligne "solde global") révèle une différence au niveau des coûts de gestion par l'État : la solution "différentiel revenu" requiert un calcul SI ( ( AUD + Yn ) * R < AU ; AU - ( AUD - Yn ) * R ; 0 ) pour déterminer le montant de l'AURΔ, contrairement au mode "intégral cotisé" qui verse automatiquement le montant AUR.
Mais d'autre part, des économistes de l'université de Louvain notent que, s'il ne pose pas de problème particulier lorsque le travailleur a un employeur unique, le mode "ic" devient par contre nettement plus complexe (et donc coûteux en terme de travail administratif propre à chaque mode) lorsque le citoyen a plusieurs employeurs (comment se répartissent-ils l'AUR ?), lorsqu'il est travailleur indépendant, ou lorsqu'il tire une partie significative de ses revenus de son capital [source].
Les tableaux précédents concernait le cas d'un revenu brut de 500 euros/mois. Observons maintenant le cas d'une série de revenus bruts.
Le graphique suivant illustre parfaitement la distinction entre modes intégraux (AUR constante) et différentiels (AURΔ diminue avec le revenu brut).
Observons maintenant l'évolution (toujours en fonction du revenu brut) du revenu disponible (qui intègre l'AUD). Cette évolution est façonnée par le mode de calcul de l'AUR, et le type de fiscalité caractérisant chacun des modes.
On notera, dans le cas des modes ic" et dr, une absence totale de progressivité du revenu disponible correspondant aux revenus bruts inférieurs à l'AU, quel soit le taux d'activité rémunérée (c-à-d nul ou partiel). Cette caractéristique est la cause de l'effet de trappe à inactivité, que nous analyserons plus en détail dans la section suivante.
On notera, dans le cas du mode "différentiel impôt", une faible progressivité du revenu disponible pour les revenus bruts situés entre 3.000 et 4.000 euros/mois, ce qui représente la classe moyenne.
Les deux graphiques suivants confirment expérimentalement que les modes "intégral cotisé" et "différentiel revenu" sont équivalents en termes de revenu disponible comme de solde public. Ci-dessous on notera en outre l'important besoin de financement du mode "intégral additif ".
Un problème avec les modes "intégral cotisé" et "différentiel revenu" (lequel correspond aux actuels systèmes de revenu minimum garanti) c'est l'effet de trappe à inactivité (cf. /securite-sociale-actuelle#trappe-inactivite), à savoir le fait qu'un allocataire bénéficiant d'un revenu minimum garanti basé sur un des ces deux modes (di correspondant au système actuel dans la plupart des pays), n'obtiendra qu'une faible (voire aucune) augmentation de son revenu disponible en augmentant son taux d'activité rémunérée (par exemple en passant d'un temps partiel à un temps plein), tandis que son patrimoine de temps libre diminuera de façon substantielle. L'effet de trappe à inactivité (non rémunérée) à donc pour effet de freiner l'augmentation de l'offre de travail même en présence d'une offre d'emploi.
Pour neutraliser cet effet de trappe une méthode consiste à autoriser le cumul de l'allocation avec le revenu professionnel, de façon dégressive. Il s'agit donc d'une forme de crédit d'impôt ayant pour effet d'élargir le différentiel entre revenus du travail et AU. Ce crédit d'impôt s'opère en abaissant en dessous de 1 la valeur du taux de retrait R. Les animations suivantes en montrent les effets, R passant de 1 à 0,5.
Effet sur le revenu disponible. L'on voit ici que la partie horizontale des courbes du revenu disponible des modes "intégral cotisé" et "différentiel revenu" devient croissante.
Bien qu'il n'y a pas d'effet de trappe à inactivité (rémunérée) dans le mode "différentiel impôt" (à l'instar du mode "intégral additif " fondant notre AU, dite "du modèle synthétique"), on constate que l'application du taux de retrait à pour effet de supprimer le palier du revenu disponible correspondant au mode di que l'on observait entre 3.000 et 4.000 de revenus bruts mensuels.
Effet sur l'allocation. Ici l'on voit que l'abaissement du taux de retrait :
Effet sur le solde public. Enfin le graphe suivant montre que le solde public des modes pour lesquels un taux de retrait fait sens sont détériorés, mais demeurent néanmoins supérieurs au solde public du mode "intégral additif ".
Pour faciliter la compréhension intuitive du taux de retrait, il est utile de revenir à l'expression des modes sous la forme MAX/MIN :
Mode "intégral cotisé"
COT = SI ( Yb > AU / ( R – T ) ; Yb * T + AU ; Yb * R ) ⇔
COT = MIN ( Yb * T + AU ; Yb * R )
le taux de retrait a pour effet
d'abaisser le montant minimum de cotisation de :
( Yb ) - ( Yb * R ) = Yb * ( 1 - R ) (AU(Δ) étant = AU) ;
de sorte qu'une augmentation de Yb de 100 se traduit par une hausse du revenu net (et donc du revenu disponible) de 100 * ( 1 - R ) au lieu de 0 sans taux de retrait (R=1).
Mode "différentiel revenu"
AUR(Δ) = SI ( Yn ≤ AU / R ; AU – Yn * R ; 0 ) ⇔
AUR(Δ) = MAX ( AU - Yn * R ; 0 ) ⇔
le taux de retrait a pour effet
d'augmenter le montant de AUR(Δ) de :
( AU - Yn * R ) - ( AU - Yn ) = Yn * ( 1 - R )
de sorte qu'une augmentation de Yn de 100 se traduit par une baisse de AUΔ de seulement 100 * R < 100 au lieu de 100 sans taux de retrait (R=1), et donc une augmentation du revenu disponible de 100 * ( 1 - R ) au lieu de 0 sans taux de retrait (R=1).
Mode "différentiel impôt"
AUR(Δ) = SI ( Yb * T < AUR ; AUR – Yb * T * R ; 0 ) ⇔
AUR(Δ) = MAX ( AUR - Yb * T * R ; 0 )
le taux de retrait a pour effet
d'augmenter le montant de AUR(Δ) de :
( AUR - Yn * R ) - ( AUR - Yn ) = Yn * ( 1 - R )
de sorte qu'une augmentation de Yn de 100 se traduit par une baisse de AUR(Δ) de seulement 100 * R < 100 au lieu de 100 sans taux de retrait (R=1), et donc une augmentation du revenu disponible de 100 * ( 1 - R ) au lieu de 0 sans taux de retrait (R=1).
Ainsi donc plus R est proche de zéro, plus est élevée la neutralisation de l'effet de trappe :
Comme cette mesure instaure une inégalité de traitement par rapport aux personnes déjà en emploi, elle ne peut être que temporaire : lorsque le taux de retrait sera ramené à 1, le travailleur retrouvera un revenu équivalent à celui qu'il aurait de toute façon en ne travaillant pas. Cependant il demeure que cette mesure conduit in fine au moins une partie des individus concernés vers un niveau de salaire net supérieur à l'AU. Cela est d'autant plus vrai que des études suggèrent que l'ampleur de l'effet de trappe à inactivité serait surestimée voire très faible [approfondir].
Le "solde public" évoqué supra est un solde par individu, ce dernier étant défini par son revenu brut. Il nous reste maintenant élargir notre évaluation du "coût" de l'AU à l'ensemble de la population. Pour prendre en compte, de façon simplifiée, le fait que tous les individus n'ont pas le même niveau de revenu, nous établissons huit classes de revenus mensuels (cf. colonne C du tableau suivant).
Nous avons ainsi développé dans un tableur une modélisation, très simplifiée, permettant une comparaison macroéconomique des quatre modes de financement de l'AU, développés dans la section précédente.
Le modèle macroéconomique de notre tableur permet-il de reproduire les données observées ?
On peut estimer que la réponse est affirmative car lorsque l'on fixe la valeur de l'AU au niveau du seuil de pauvreté en France (60% du revenu disponible médian, soit environ 1.150 euros net par mois en France en 2021), notre indicateur "besoin de financement" AURΔ / Rec. fisc. du mode "différentiel revenu" vaut 46 % (cf. cellule M4 du tableau infra). Or la valeur observée du ratio ( Chômage + Exclusion + Aide Logem. ) / Impôt rev. mén. est de ( 2,3 + 1,5 + 0,9 ) / ( 0,2 * 47 ) = 50 % (source : #donnees-actuelles]. On est donc dans le même ordre de grandeur.
Notre conclusion affirmative sur la capacité de notre modélisation à reproduire les valeurs observées n'est recevable que s'il est vrai que l'ensemble des dépenses "Chômage", "Exclusion" et "Aide Logem." permet effectivement de garantir un revenu au moins égal au seuil de pauvreté. Or cela n'est probablement vrai que pour une partie de la population dans l'espace et/ou le temps. Dans la section suivante, nous verrons que notre AU du modèle synthétique, fondée sur le mode "intégral additif ", permet précisément de garantir un revenu minimum à 100% de la population.
Le tableau suivant est celui du mode "différentiel revenu", qui est le plus proche de l'actuel système de sécurité sociale.
À noter en particulier :
N.B. Cet indice n'a pas de signification absolue (un taux de x % ne signifie pas que x % de l'effet de trappe est neutralisé), mais uniquement relative (il permet seulement de déterminer quels sont les modes qui neutralisent le mieux l'effet de trappe).
Les données des cellules I13 et I11 sont cohérentes avec le fait que la valeur observée du revenu disponible médian (1.900 euros/mois, France, 2021), qui est bien inférieur à 2.250 euros/mois, de sorte qu'il y a bien plus de 50% de la population qui bénéficie du système).
Le tableau suivant est issu de la feuille Comparaison, du même tableur. Il compare les résultats des différents mode, sur base d'une série de critères (colonne D à I). Le meilleur résultat de chaque critère apparaît sur fonds vert, et le moins bon sur fond rouge (NB : ces couleurs ne sont évidemment pas liée à celles des modes ia et di).
Les valeurs de la colonne F illustrent bien la différences de nature entre modes intégraux et différentiels.
Besoin de financement. On constate que la situation actuelle (mode "différentiel revenu") présente l'indice de "besoin de financement" (cellule H5) le plus bas (46 %), tandis que le mode "intégral additif " présente l'indice de "besoin de financement" (cellule H3) le plus élevé (223 %). Ces indices de "besoin de financement" paraissent élevés parce que les recettes fiscales du dénominateurs ne concernent que le seul impôt sur le revenu des ménages. La valeur de ce ratio n'est donc pas très pertinente en termes absolus. Il est par contre très utile en termes relatifs, pour comparer les modes entre eux.
Modes extrêmes opposés. La comparaison des couleurs de fond – opposées – des cellules des lignes 3 et 5, montre que les modes dr et ia constituent les deux modes extrêmes opposés. Ainsi le mode ia offre le plus haut indice de neutralisation de l'effet de trappe (cellule H3), ainsi que le plus haut taux de redistribution des richesses (G3, avec le mode "intégral cotisé"). Notons qu'aucun de ces taux de redistribution – dont l'interprétation en termes absolus est pertinente – ne dépasse 50 % !
Substitution de mode. Le graphique comparatif suivant, correspondant aux indices des colonne D, G, H et I du tableur, illustre qu'en substituant le mode "intégral cotisé" au mode "différentiel revenu", on rehausse substantiellement le taux de redistribution, tout en devant augmenter relativement moins le besoin de financement.
Taux de retrait. L'animation suivante montre les effets du taux de retrait (d'autant plus élevés que sa valeur est < 1). En fixant sa valeur à 0,5, on constate (par rapport à une valeur de 1) :
Rappelons que le taux de retrait ne neutralise que partiellement et temporairement l'effet de trappe (cf. supra #trappe-inactivite-et-taux-de-retrait).
Financement monétaire. Enfin, le lecteur pourra vérifier dans le tableur qu'en remplaçant la valeur nulle de AUD par sa valeur déterminée par la formule de l'AUD, soit 200 euros/mois (cf. /financement-distributif), on diminue les besoins de financement puisque (AUR = AU - AUD). Pour la même raison, les taux de redistribution baissent aussi, mais cette baisse de la redistribution est compensée par la distribution de l'AUD. Et c'est donc toujours pour la même raison que l'AUD est sans impact sur la neutralisation de l'effet de trappe.
Notre modèle synthétique d'AU est défini par les paramètres suivants :
NB : concernant les très hauts revenus, nous avons montré que la courbe du taux universel est asymptotique à 100%, tandis qu'elle plafonne à 41% dans le cas du système actuel (France, cf supra #tuv-menages).
Dans ces conditions, les tableau et graphiques comparatifs deviennent :
Substitutions de mode (à partir du mode "différentiel revenu", qui corerspond au système actuel) :
dr ⇒ ic : le graphique comparatif suivant permet de voir plus facilement qu'en substituant le mode "intégral cotisé" au mode "différentiel revenu", on rehausse la neutralisation de l'effet de trappe, et surtout le taux de redistribution, tout en devant augmenter relativement peu le besoin de financement ;
dr ⇒ di : ici on améliore en outre substantiellement la neutralisation de l'effet de trappe, mais par une augmentation substantielle du besoin de financement ;
L'animation suivante montre l'évolution entre la situation actuelle (section précédente) et celle de notre modèle synthétique de l'AU.
Conclusions principales :
Tableurs :
• modes-comparatif-actu.ods
• modes-comparatif-synth.ods
L'animation suivante montre le changement des courbes du revenu disponible en fonction du revenu brut (mensuel) entre :
Ainsi la mécanique économique de cette évolution peut se résumer en deux points :
L'animation suivante isole l'évolution modale entre :
Le tableau suivant constitue probablement la meilleure synthèse du présent chapitre #besoin-de-financement (qui analyse la triple question du besoin de financement ... pour quoi ... et par qui). Ce tableau compare les résultats pour le mode "différentiel revenu" dans la situation "actuelle" (AU=1050, AUD=0, fiscalité actuelle), au mode "intégral additif " dans le cas de notre modèle synthétique (AU=1600, dont AUD=200, fiscalité universelle).
N.B. : les besoins de financement sont cette fois exprimés en fonction des recettes fiscale totales (cf : #donnees-actuelles), estimées en posant que l'application de notre formule du taux universel (cf. #taux-imposition-universel) à tous les types de prélèvements obligatoires laisse inchangée la part que représentent actuellement les recettes de l'impôt sur les revenus des ménages dans les recettes fiscales totales.
dr (actu.) | ia (synth.) | |
---|---|---|
Redistrib. | 5 % | 31 % |
Trappe | 63 | 77 |
Bénéfic. | 65 % | 95 % |
Bes. fin. | 9 % | 27 % |
Tableurs :
• modes-comparatif-actu.ods
• modes-comparatif-synth.ods
En pourcentage du PIB, les besoins de financement ci-dessus sont respectivement de 46*0,2*0,47=4 % et 134*0,2*0,47=13 % (cf : #donnees-actuelles). Par conséquent la réforme du système socio-fiscal que constitue notre modèle synthétique d'AU exigerait de réduire les dépenses publiques pour un montant de 13-4=9 % du PIB.
Or notre AU du modèle synthétique rend obsolète tout l'édifice des retraites, lequel représente environ 15% du PIB en France (dont nous avons utilisé les données pour illustrer notre modèle). Par conséquent, non seulement notre AU est financée, mais en outre elle dégage des économies représentant 15-9=6 % du PIB !
Et ce n'est pas tout, car nous n'avons pa pris en compte les considérables économies en frais de fonctionnement, liées au caractère inconditionnel et automatique de l'AU du modèle synthétique :
Nous évaluons grossièrement ces économies à 25 % des 4 % de "services généraux" du tableau ci-dessus, soit 1 % du PIB à ajouter aux 6 % d'économie directe générées par notre AU.
Ces 7 % du PIB d'économie pourraient certes être alloués à la lutte contre la fraude fiscale. Mais dans un premier temps, il vaudrait mieux les utiliser pour compenser l'effet de notre AU sur l'offre de travail, qui va probablement baisser. Si la baisse de l'offre de travail représente plus de 7 % du PIB, une solution consiste à compenser le solde au moyen d'un service civile de participation à l'activité économique (approfondir : /applicationf#service-civil).
Cependant, le solution du service civil (qui par ailleurs favoriserait grandement la communication inter-individuelle dans notre société ...) ne s'imposera peut-être pas, en raison de la réduction systémique de certaines dépenses publiques.
L'instauration de l'AU du modèle synthétique (= 50% PIB/hab), qui aura pour effet de garantir à chaque citoyen un revenu disponible d'au moins 1.600 euros/mois (France en 2022), facilitera politiquement les bouleversements suivants :
À priori, la pertinence des deux dernières des trois mesures ci-dessus est cependant discutable, dans la mesure où il peut s'agir de redistribution entre agents économiques (par exemple l'impôt sur la production de grandes entreprises peut servir à financer des aides à la création de PME ; en outre la redistribution peut être intersectorielle). Mais il reste à voir dans quelle mesure ces dynamiques ne seront pas complètement transformées par l'AU du modèle synthétique...
Donc là on dispose maintenant de 7+3=10 % du PIB pour couvrir une baisse de l'offre de travail. Mais ce n'est pas tout.
L'AU du modèle synthétique est selon nous indissociable d'un régime politique de démocratie directe (approfondir : konfedera.org). Ce contrôle réellement démocratique des principaux moyens de production devrait conduire à une forte diminution de récurrentes dépenses publiques inutiles mais actuellement engagées par la corruption de décideurs politiques clés :
Dépenses de santé : surproduction (pseudo "médicaments" au propriétés "thérapeutiques" statistiquement douteuses) et surconsommation (corruption légalisées des médecins par les entreprises pharmaceutiques). Nous estimons qu'il s'agit ici d'une économie de 2 à 4 % du PIB ;
Sauvetage des banques pourries : chantage et racket systémique opéré par les banques qui exploitent ainsi le renoncement de l'État au monopole public sur la création et allocation monétaire ; ces dépenses se retrouvent dans les postes 'Affaires économiques" (subsides) et "Intérêts de la dette publique" du tableau supra ;
Notons que cette problématique sera partiellement résolue par la réforme de la politique monétaire que représente le financement monétaire/distributif de l'AU, qui retire aux Banques privées le pouvoir de création monétaire.
Dépenses militaires, induite par notre participation à l'organisation impérialiste OTAN, qui exigent des États soumis à Washington de financer des moyens de projection militaire hors du territoire national.
La pertinence de ce dernier point comme source d'économies est cependant discutable : le budget militaire lié aux forces de projection pourrait être réalloué, non pas vers l'AU, mais vers un renforcement des moyens de défense du territoire national.
Correspondant au mode "différentiel impôt", l'« impôt négatif » est présenté sous le nom de "Liber" en 2014 par le think tank libéral Génération Libre, dont les chevilles ouvrières sont le philosophe Gaspard Koenig et l'ingénieur et économiste Marc de Basquiat. En voici les principes majeurs :
On notera que, selon une étude empirique (34 pays, 1978-2014) de l'OCDE, le taux d'imposition au-delà duquel les recettes fiscales diminuent (notamment suite à l'échappement fiscal), c-à-d le sommet de la courbe de Laffer, serait d'environ 57% pour le taux marginal d’imposition sur le revenu, et varierait entre 9 et 37 % pour l’impôt sur les bénéfices des sociétés (soit une moyenne de ... 23%) [source]. NB : la théorie de Laffer, à supposer qu'elle soit pertinente, doit être interprétée avec prudence et sens critique.
le système serait globalement « sans effet sur les finances publiques ».
Selon la simulation réalisée par les promoteurs du Liber, ce système augmenterait légèrement la redistribution des richesses (pour une redistribution totale d'environ 4,5% du PIB) [source p. 24]. Il ne s'agit donc pas d'augmenter significativement la redistribution des richesses, mais de simplifier le système socio-fiscal, d'inconditionnaliser une partie de l'aide sociale, et de neutraliser le phénomène de non recours.
Les auteurs du think tank libéral proposent d'ailleur une définition très personnelle de la "progressivité" du Liber, calculée « en divisant la différence LIBERTAXE – LIBER par le revenu imposable. Ce taux de prélèvement est nul aux alentours de 2.000 euros de revenus (pour une personne seule), négatif en- dessous, et progresse régulièrement vers l’asymptote de 23% pour les plus hauts revenus » [source p. 26]. Cependant il s'agit là d'une forme extrêmement minimaliste de "progressivité", puisque l'ouvrier qui travaille à temps plein au salaire minimum serait imposé au même taux que le multi-milliardaire qui "travaille" deux ou trois mois par ans !
Or le principe de fiscalité progressive n'est déjà actuellement que très théorique – voire carrément inversé (imposition dégressive) – en raison des multiples formes de privilèges fiscaux octroyés par la classe politique aux riches familles et aux grandes sociétés [approfondir]. Il en résulte une perte de recettes fiscales et l'augmentation des écarts de richesse.
Gaspard Koenig note que l'impôt négatif est un système en temps réel, puisque l’impôt serait payé au mois le mois et non plus avec un ou deux ans de retard.
En outre la part des cotisations serait réduite :
Selon Génération libre la notion de salaire brut disparaîtrait donc, l’employeur versant au salarié le montant contractuel :
Sur base du salaire contractuel le salarié acquitterait des impôts calculés automatiquement par le fisc tous les mois :
ambiguïté. Le document censé détailler le financement du système Liber est cependant ambigu : on ne voit pas très bien pas où s'arrête le système « budgétairement neutres » et commencent les mesures complémentaires. Ainsi De Basquiat tire de son chapeau « une « Couverture socle » commune complétant les ressources des adultes à faibles revenu « à hauteur d’environ 400€ pouvant être éventuellement majorée d’un complément d’insertion de 100 € ou d’un complément de soutien (handicapés, personnes âgées, dépendantes...) » ... [source p. 65].
Et de Basquiat de conclure : « l’économiste anticipera une plus grande attractivité du travail (déclaré) et une plus faible occurrence de fraudes (en particulier le travail dissimulé). Ceci peut également être renforcé par des mesures simplifiant le recours à des formes de travail souples telles que l’intérim ou l’auto-entrepreneur ».
Concernant l'aspect simplification Lionel Stoleru, l'initiateur du RMI, note que « Par rapport au RMI, au RSA et à la prime d’activité, le revenu universel (N.d.A. : version "impôt négatif") a pour autre caractéristique majeure d’être fiscal. On sort du système social, composé en France des partenaires sociaux, des collectivités territoriales, des associations, de la gestion paritaire, etc. – vous le savez mieux que moi, c’est très compliqué et très cher en gestion. On balaie tout cela et il y a uniquement un système fiscal. En France, celui -ci fonctionne plutôt bien, comme dans la plupart des pays développés. (...) Pour les impôts, on a maintenant un compte fiscal : la déclaration se fait en principe obligatoirement en ligne. Les revenus sont enregistrés, tout comme le montant des impôts. Chacun connaît donc l’état de ses comptes et ce qu’il doit, sous la forme soit d’une mensualisation soit du tiers provisionnel selon le système choisi. Le compte fiscal est donné en temps réel. Pour le revenu universel, ce serait la même chose. Chaque mois, on aurait + 500, comme si on percevait une rente sur son compte bancaire. À celui qui ne perçoit aucun revenu, le Trésor public enverrait un chèque de 500 euros à la fin du mois – c’est déjà ce qui se passe en cas de remboursement d’impôt. Pour celui qui perçoit des revenus, le montant du revenu universel varierait en fonction du taux de dégressivité du barème fiscal. Une fois atteint un certain niveau de revenus, par exemple 1000 euros, le revenu universel de 500 euros deviendrait zéro. Ensuite, on paierait des impôts. Il s’agit donc d’un barème continu d’impôt avec un crédit d’impôt qui est versé par chèque quand le solde net est négatif. Quand on a des revenus, le crédit d’impôt diminue et disparaît. Reste alors à payer aux impôts la contribution fiscale. C’est donc d’une parfaite simplicité. Certes, ce n’est pas aussi simple que je le décris (...) : même si, chaque mois, on ne connaît pas le montant exact des recettes et des dépenses, on prélève en fonction du taux de l’année précédente et on régularise en fin d’année. Des solutions existent déjà pour que le compte fiscal soit adapté à la réalité à peu près chaque mois. (...). Et c’est la fin des allocations de toute nature, par exemple des allocations familiales. C’est la fin des disputes entre les départements, les régions et l’État pour savoir qui paye le RSA, etc. Il y a uniquement un barème fiscal négatif au début, qui devient zéro, puis qui devient positif. (...) »
Hyafil note cependant qu'en cas de prélèvement à la source de l'impôt sur les revenus des personnes physique, si le revenu de base prend la forme d’un crédit d’impôt, il est beaucoup plus difficile pour l’employeur de calculer l’impôt sur le salaire qu’il verse à son employé, surtout si ce dernier a plusieurs employeurs. Au contraire, lorsque le revenu de base est versé en intégralité, l’employeur peut appliquer par défaut le taux d’imposition de la première tranche d’imposition sans avoir à se préoccuper des autres sources de revenu de son employé [source p. 119].
Prélèvement à la source de l'IRPP
Le prélèvement "à la source" (PAS) de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) signifie qu'il est directement prélevé sur le revenus et versé à l'administration fiscale par l’organisme collecteur (l'entreprise pour les salaires, les caisses de retraite et pour les revenus de remplacement, et les institutions financières pour les intérêts, dividendes ou plus-values).
Le prélèvement à la source a trois effets majeurs :
En France, rare pays européen où l'impôt sur le revenu n'est pas encore prélevé à la source, François Ecalle note que si 38 % des contribuables voient leur revenu baisser d’une année à l’autre (France, 2015) et ont financièrement intérêt à une retenue à la source, 62 % voient leur revenu augmenter et n’y ont pas intérêt [source].
Le prélèvement à la source du montant juste d’IRPP requiert de la part de l'organisme collecteur (employeur, caisse de retraite/chômage, banque) la connaissance du bon taux moyen d’imposition à appliquer sur les revenus. Or, compte-tenu des règles de calcul de l’IRPP (barème progressif, principe du quotient familial – quotient conjugal et quotient enfant – existence d’abattements, de réductions et de crédit d’impôt), le taux moyen d’imposition est complexe à calculer. Il dépend en outre des autres revenus de l’individu, mais aussi de sa situation conjugale et des revenus des autres personnes dans le foyer fiscal. Pour régler ces questions, l’administration fiscale doit transmettre aux organismes collecteurs le taux d’imposition total effectivement pratiqué l’année précédente. Et, dans tous les cas, une déclaration correctrice est faite en début d’année suivante : chacun reçoit une déclaration pré-remplie mentionnant tous les revenus et prélèvements à la source déjà effectués, et corrige le cas échéant. Dans l’immense majorité des cas, aucune correction n’est nécessaire.
Le prélèvement à la source des revenus des indépendants et des propriétaires fonciers est beaucoup plus difficile (voire, selon Ecalle, impossible).
La rationalisation des systèmes informatiques de l'administration fiscale (intégration des différentes bases de données, traitement en temps réel, automatisation des paiements d’acompte, ...) peut cependant aider à résoudre certains de ces problèmes [source]. Mais ce même progrès technologique pourrait tout aussi bien rendre obsolète le concept même de PAS en lui substituant celui de prélèvement mensualisé et contemporain (PMC), opéré par l’administration fiscale sous la forme d’acomptes payés au titre des revenus de l’année en cours au lieu de ceux de l’année précédente, et prenant en compte les réductions et crédits d’impôt [source].
Voici les résultats de notre système de modélisation, cette fois paramétrisé relativement au modèle Liber, lequel correspond au mode "différentiel impôt".
Paramètres correspondant au modèle Liber :
Dans la colonne D de la feuille "di" du tableur on constate l'absence de progressivité du taux d'imposition.
Par rapport au mode "différentiel revenu" (correspondant à la situation actuelle), les graphiques comparatifs (NB : tous les modes reprennent la fiscalité du Liber) suggèrent que le Liber améliore substantiellement la neutralisation de l'effet de trappe à inactivité, mais pas la redistribution, et cela pour une multiplication par six du besoin de financement. On notera en outre que dans aucun des modes il n'y a pas de majorité de bénéficiaires.
Le graphique du revenu disponible en fonction du revenu brut, donne un vue plus intuitive des différents modes, pour une AU=500 euros/mois et un taux unique de taxation à 30%.
Dans l'article consacré aux différents modèles de système de rémunération inconditionnelle des citotens (SRIC) nous avons exposé les principes de fonctionnement du salaire à vie. La présente section concerne son financement.
On peut le résumer comme suit : remplacer les impôts et taxes par une double cotisation à 100% du PIB. Le tableau ci-dessous permet de visualiser le changement révolutionnaire ainsi opéré au niveau de la composition du PIB :
Répartition actuelle du PIB selon la valeur ajoutée ((France, 2010 - source : B. Friot))
Indépendants 5% | ||
Propriété lucrative (⊃ Marché du capital) | Profits nets : 35% | Dividendes : 15% |
---|---|---|
Investissements : 20% | ||
Secteur public | Prélèvements obligatoires : 40%
|
Sécurité sociale : 25% (pensions : 10%, santé : 10%, allocat. chômage et famille : 5%) |
Fonction publique : 15% | ||
Marché du travail | Salaires nets : 20% | Contractuels du secteur public |
Salariés du secteur privé |
Indépendant. À noter qu'une partie croissante des petits indépendants sont en réalité des quasi-salariés précaires, sous-traitant pour un petit nombre de grandes sociétés voire pour une seule.
Du point de vue de la classe dirigeante, la lutte des classes consiste à étendre les deux zones bleues (la propriété lucrative en haut, le marché du travail en bas) en compressant la zone rouge (le secteur public). Du point de vue du reste de la population c'est l'inverse : étendre la zone rouge en comprimant les deux zones bleues. C'est en cela que Friot affirme que la lutte des classes est un conflit irréductible, concernant la définition de ce qui est ou pas de la valeur. Les vidéos suivantes explicitent ces notions.
Répartition du PIB - 1 (10m34s - 2013)
Répartition du PIB - 2 (8m34s - 2013)
Les 55% de salaires nets dont parle Friot correspondent dans le tableau ci-dessus aux trois dernières lignes de la colonne de droite : 15% (fonction publique) + 20% (salariés du secteur privé + contractuels du secteur public) --> 35/60 ≈ 0.55
Friot prône donc l'évolution illustrée par le graphique suivant, dans laquelle on soulignera en particulier :
Bernard Friot attire notre attention sur la différence qu'il y a de financer les activités publiques par les cotisations plutôt que par l'impôt. Les cotisations sont prélevées au moment de la production, tandis que les impôts sont prélevés en aval de la production, après la répartition de la richesse produite entre travail (salaires) et capital (profit). Or les plus riches échappent facilement à l'impôt, grâce au conseils de spécialistes en échappement fiscal.
Selon Friot le financement par les impôts comporte deux inconvénients majeurs :
À contre courant. Alors que le modèle du salaire à vie propose de supprimer les impôts et taxes, pour tout financer par la cotisation sociale, c'est exactement l'évolution inverse que l'on observe depuis le début des années 1990. Et le gouvernement français propose même d’étendre au chômage le financement par l’impôt, s'attaquant ainsi au principe assurantiel de l’assurance chômage. Selon les économistes de Xerfi il s'agit là (dans le chef du gouvernement) probablement « d'une façon d’amorcer une reprise en main plus drastique du système, passant par la remise en cause de la gestion paritaire, et ouvrant la possibilité de déconnecter l’indemnisation du revenu » [source].
Selon Friot la généralisation du salaire à vie n'implique pas de remplacer la propriété privée par la propriété publique mais la "propriété lucrative" par la "propriété d'usage" (laquelle atteste de l'autorité partagée à décider de ce que l'entreprise va produire, comment, à quels prix, ...). Chaque citoyen devrait être propriétaire (ou co-propriétaire) de son outil de production et de son logement. L'important est qu'on ne puisse s'enrichir par la propriété (de moyens de production, terrains, immeubles, monnaie, brevets, ...) mais par son seul travail.
Voici les résultats de notre système de modélisation, cette fois paramétrisé relativement au modèle du salaire à vie, lequel correspond au mode "intégral cotisé".
Paramètres correspondant au modèle Liber :
Voir les colonnes B à D :
Par rapport au mode "différentiel revenu" (correspondant à la situation actuelle), les graphiques comparatifs (NB : tous les modes reprennent la fiscalité du salaire à vie) suggèrent que le salaire à vie améliore la neutralisation de l'effet de trappe à inactivité, et surtout la redistribution, et cela pour une multiplication relativement modérée du besoin de financement. On notera en outre une majorité de bénéficiaires.
Le graphique du revenu disponible en fonction du revenu brut, donne un vue plus intuitive des différents modes.
Concernant la distribution égalitaire et gratuite de la création monétaire comme source de financement d'un SRIC (cf. le dividende universel du modèle synthétique), Friot ne s'estime pas compétent pour prendre position, mais dénonce un excès de confiance à penser que la monnaie a une position centrale dans le capitalisme, alors que le coeur du capitalisme est la propriété des moyens de production. Malheureusement Friot ne voit donc pas que la monnaie est un moyen de production (cf. /travail-et-valeur#facteur-vs-moyen-de-production), et que justement sa privatisation effective est un fondement du capitalisme privé.
La proposition de Friot enrichit considérablement le débat, mais pèche par son incomplétude. C'est notamment le cas des modalités juridiques du double principe de suppression de la "propriété lucrative" et de généralisation de la "propriété d'usage". À l'opposé, l'allocation universelle du modèle synthétique est fondée sur la présence d'entreprises (100%) publiques dans tous les secteurs essentiels [approfondir], et leur autogestion sous statut (à créer) de coopératives publiques. Friot ne peut malheureusement en faire autant, étant coincé dans la contrainte de son approche libertaire qui vise par principe à limiter le rôle de l'État. Notons à cet égard qu'une étude de Ernst & Young révèle que sur l'ensemble de la planète les populations sont généralement satisfaites des entreprises publiques, et qu'elles les apprécient mieux que les entreprises privées [source].
Avec sa limitation absolue des salaires le concept du "salaire à vie" de Friot est sans doute le plus utopique, mais enrichit grandement la réflexion. L'utilité de limiter les écarts de revenu est d'ailleurs confirmée par des études de l'OCDE [source] et du FMI [source]. Notre approche est de limiter revenus et patrimoines de façon relative (cf. principe d'écart de richesse optimal).
Voir aussi : fr.wikiversity.org/wiki/Recherche:Salaire_à_vie
Notre modèle synthétique d'AU repose sur une implémentation progressive de l'AUR (soit environ 88 % de l'AU) :
d'abord en version différentielle, qui est assez proche de l'actuel système du revenu minimum garanti (RMG, notre dénomination standard) ;
ensuite (après une dizaine d'années) passage à la version additive, ce qui a pour effet :
Notre modèle synthétique d'AU est alors formalisé par le système d'équations suivant :
Mode "différentiel-revenu" (dr) dans nos simulations.
où :
Une conjecture est donc posée : la période de transition aura pour effet de booster le PIB/hab de façon récurrente de sorte que la formule du taux d'imposition universel demeura valable pour financer le surplus AUR additive - AUR différentielle > 0 (dans la formule, T est fonction croissante du PIB/hab).
Le graphique suivant correspond aux équations n_Yd=AUD+Yb*(1-T)+AUR et n_AUR=SI((AUD+Yn)*R : revenu disponible Yd en fonction du revenu brut Yb, et revenu minimum garanti par l'AU. Il montre que, grâce à l'AU, ceux qui n'ont aucun revenu brut obtiennent un revenu disponible d'environ 1600 euros/mois (France, 2023), , et qu'au-delà d'un revenu brut de 2.200 euros/mois(déterminé par les lignes hachurées), le revenu disponible devient inférieur à ce revenu brut (la courbe bleue passe en dessous de la diagonale Yd = Yb ). C'est l'effet de la politique fiscale redistributive : à gauche du point d'intersection les "bénéficiaires nets", et à droite les "contributeurs nets".
À noter que le revenu médian en France est d'environ 1.900 euros/mois (2021) de sorte que, dans le graphique ci-dessus, une majorité de la population est bénéficiaire nette du système.
Le graphique suivant correspond à l'équation n_T=1-(1+Yb*0,5/PIB/hab)exp(-AU/PIB/hab), qui détermine le taux d'imposition universel (TIU) correspondant à chaque niveau de revenu. Il montre que la structure du taux d'imposition universel (courbe verte) accroît l'effet redistributif de l'impôt progressif, actuellement calculé sur base d'arbitraires "taux marginaux", dont le principe, mal compris par une grande majorité de la population, est en outre loin de favoriser la transparence et les anticipations rationnelles.
L'AUR est déjà partiellement en place dans de nombreux pays où le mode "différentiel-revenu" (cette notion sera expliquée dans le présent document) est celui du revenu minimum garanti (RMG) actuellement en vigueur. Pour en faire une AU telle que définie par le modèle synthétique (cf. article "Définition") il reste donc à :
Pour approfondir la mise en application pratique de l'AU voir l'article Implémentation.
Articles complémentaires :
[1] On pourrait à l'instar de François ECALLE proposer une réforme très différente : « L’IS (impôt des sociétés) vise en fait les actionnaires et, pour les ménages résidents, joue le rôle d’un acompte sur l’imposition des dividendes et plus-values dans le cadre de l’IR (impôt sur les revenus). Or il est préférable d’imposer les actionnaires au niveau de l’IR ou de la CSG, parce que cette imposition est indépendante du pays d’implantation des sociétés qui distribuent les dividendes, plutôt qu’au niveau de l’IS, parce que les sociétés peuvent facilement délocaliser leurs activités dans des pays où la fiscalité est plus faible. Imposer les bénéfices au niveau des sociétés a certes deux avantages: imposer les actionnaires non-résidents; imposer les bénéfices réinvestis alors que les plus-values réalisées par les actionnaires ne seront taxées que plus tard au niveau de l’IR, voire jamais si les actions ne sont pas cédées. Cependant, les actionnaires non-résidents présentent un fort risque de se détourner des entreprises françaises si leurs bénéfices sont trop taxés et il est préférable de taxer les plus- values, même si certaines y échappent, plutôt que les bénéfices réinvestis » [source].
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Une publication de François Jortay